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“Des banques françaises parient sur le risque de faillite de la France... c'est délirant !”

Publié le par Barbara Mai

Pascal Canfin “Des banques françaises parient sur le risque de faillite de la France... c'est délirant !”

Télérama du 28 janvier 2012

 

 

Une du magazine : En finir avec l'arrogance de la finance

 

 

A Bruxelles, cet élu Vert affronte les lobbies de la finance. Première victoire: l'interdiction de spéculer sur la dette des Etats européens.

 

Pour la citoyenne de la France d'en bas que je suis, cet article à propos de la démarche politique de cet homme m'a particulièrement intéressée. Peu importe à quel parti il aurait pu appartenir, seule la démarche et les actions m'intéressent.

 

Il se trouve que cet homme a été élu démocratiquement en tant que representant EE-LV.....

 

Extraits:

 

"Pascal Canfin, 37 ans, est un phénomène. Devant une crise financière qui n'en finit plus de dévaster l'Europe, il a choisi de se battre au cœur du système. Elu en 2009 au Parlement européen sur la liste Europe écologie, membre de la Commission des affaires économiques et monétaires, il a obtenu l'interdiction des « CDS à nu » - un produit financier toxique qui permet de spéculer contre les Etats. Il avait auparavant bataillé contre les bonus bancaires. Il est à l'origine de la création de Finance Watch, ONG qui tente de contrecarrer le lobbying de la finance. La semaine prochaine, ce jeune stratège de l'action politique, de la négociation acharnée, publie un petit bouquin pédagogique au titre implacable : Tout ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire..."

 

"Quand on regarde le bilan de ces agences sur les évaluations du risque des subprimes, ou sur l'Islande, notée AAA quelques jours avant son implosion, on se doit de vouloir interdire à ces médecins de rédiger des ordonnances. Une agence évalue le risque, c'est tout. Ce n'est pas à elle, en démocratie, de préconiser des politiques."

 

"N'avoir pas soulevé le lièvre des subprimes, était-ce vraiment une « erreur » de la part des agences ?
Vous soulignez la question des conflits d'intérêt. Celui qui crée un produit financier et l'expose aux agences de notation pour qu'elles l'évaluent est aussi celui qui rémunère ces agences ! C'était le cas pour les subprimes. Un peu comme si l'élève qui passe le bac payait le prof qui le note. Il faut donc mettre un terme à cette pratique.

 

Face à une Europe au bord du gouffre, la question des agences de notation ne devient-elle pas secondaire ?
On ne sortira pas de cette crise avec une seule mesure. Pour nous, écologistes, la crise a trois dimensions : elle est d'abord la crise du néolibéralisme - affaiblissement des Etats, compression des revenus du travail. Elle est aussi celle du productivisme, qui se heurte aux limites physiques de la planète ; ce n'est pas un hasard si l'effondrement des subprimes s'est produit lorsque les ménages américains, surendettés pour devenir propriétaires, ont subi le contrecoup de l'explosion historique du prix du pétrole. Nous n'aurons plus jamais un pétrole bon marché. Le troisième aspect, c'est la spéculation financière, que plus rien n'arrête."

 

"Ce surcroît de dette, les Etats européens ne l'ont pas accumulé parce qu'ils sont subitement devenus plus dispendieux, qu'ils ont embauché des millions de fonctionnaires, mais parce qu'ils sont intervenus pour sauver les banques et l'économie ! Il faut donc isoler la dette née de ce sauvetage, ce qui diminuerait la charge des remboursements. Et on pourrait ainsi, tout en réduisant progressivement les déficits publics, relancer les investissements, notamment ceux, indispensables, de la révolution écologique."

 

"Les « CDS à nu »?
Les CDS sont des contrats d'assurance sur des actions ou des obligations, pour se prémunir des risques d'impayés. Ils sont dits « à nu » quand on achète ces contrats sans détenir le titre financier qui justifie cette assurance : par exemple, on s'assure contre le risque de faillite d'un Etat alors qu'on ne détient pas une seule obligation de cet Etat. Cela crée de l'inquiétude sur cet Etat : un peu comme si l'on assurait la maison d'un voisin, qui pourrait bien brûler... On se débrouille pour qu'elle brûle : il suffit de vendre des obligations de ce pays, obligations qu'on ne possède toujours pas, mais qu'on s'engage à livrer à une date ultérieure. Quand on pourra les acheter à un cours plus bas... Et c'est ainsi qu'on gagne sur les deux tableaux, et ruine un pays. La Grèce, par exemple."

 

"Il y a une demande de transparence, mais aussi de réglementation, de reprise en main, y compris chez des gens qui se définissent comme de droite. Parce qu'ils en ont assez de voir des choses scandaleuses se poursuivre, alors qu'une grande partie de la crise vient du monde financier."

 

"Oui, ça revient à dire : « Prenez des risques, mes amis, au final le contribuable français sera toujours là »... Des banquiers me disent en off : « On sait que l'on sera toujours sauvé ». J'apprends que des banques françaises vendent des CDS, donc de la protection, sur le risque de faillite de la France, qui entraînerait leur propre faillite, puisqu'ils détiennent massivement des obligations d'Etat ! C'est délirant. Mais, en attendant, ils récupèrent du cash... des profits, des bonus."

 

"Vous croyez à l'action politique et à la négociation : Finance Watch est issue d'un appel de députés appartenant à cinq formations politiques, dont les libéraux et les conservateurs...
J'ai lancé Finance Watch parce qu'il fallait absolument un contre-lobbying au lobbying incroyable de la finance. Mais cette ONG se devait d'être « transpartisane », parce que la société civile ne répond pas à l'appel d'un parti, surtout un parti minoritaire comme les Verts. Il faut aussi savoir que le Parlement européen, contrairement à l'Assemblée nationale, est élu à la proportionnelle, il n'y a ni majorité ni minorité automatique. Chaque texte trouve sa majorité. Moi, je négocie d'arrache-pied, et si le bilan est globalement positif, je vote pour."

 

"Vous êtes donc convaincu que les socialistes ont changé depuis les années 1980 ?
Il est vrai qu'une grande partie des lois de déréglementation financière, à commencer par les stock-options introduites en France par Laurent Fabius, ont été prises sous François Mitterrand, et avec un gouvernement socialiste. Ma conviction est que les responsables socialistes ont évolué, mais qu'ils devront être aiguillés, dans la future coalition de gouvernement, si l'on veut mener à bien une vraie réforme du système financier…"

 

Vincent Remy
Télérama n° 3237

 

 

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